L’expérience du désert
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« Le bien-être naît de la satisfaction des besoins »
(Kant)
Lorsque je me suis enfin arrêté à la suite d’une course effrénée à courir après je ne sais quoi, à fuir je ne sais quoi au juste, j’ai commencé à m’interroger sérieusement. Comme en panne sèche et épuisé, cette recherche m’imposait une direction. C’est l’écriture qui m’a permis de la définir plus clairement jusqu’à me livrer complètement à cette disposition d’âme, d’abandon, de lâcher prise et de consentement absolu. C’est ce qui m’a aidé le plus dans mon avancement, dans mon épanouissement et dans le développement des vertus. J’ai découvert dans ce désert ce qui me fait vivre. C’est lors de cette retrouvaille avec ce lien le plus recherché que j’ai trouvé une oasis de possibilités et de vitalité. Elle s’est transformée en une valeur qui constitue ma véritable raison de vivre. C’est dans les profondeurs de ce désert que s’est révélée la nécessité de devoir développer cette relation privilégiée avec mon âme, celle qui implique de devoir mourir à son histoire personnelle pour pouvoir renaître à celle de l’âme qui est infinie et illimitée. La sécheresse, c’est lorsque l’âme a été abandonnée, désertée. Le désert comme le bas fond sont parfois nécessaires, mais vous auriez tort de vous y attarder trop longtemps. Votre équilibre de vie en serait menacé, alors n’y trainez pas trop longtemps.
Il n’y a qu’une seule histoire, celle de l’âme.
William Butler Yeats
La métaphore du désert spirituel représente l’appel de son âme, qui se fait criant. Il vient à un moment dans son cheminement où l’on ressent le besoin intense de se retirer, de se désengager pour un temps. Cet état, je dirais d’urgence, est vital pour tous. La sécheresse du désert est quand même menaçante et dangereuse. La soif dans le désert, en même temps la recherche d’une eau qui rassasie vraiment, exprime à elle seule l’enseignement à en tirer. « Quand tu bois de cette eau-ci, la soif revient, mais si tu bois de l’eau que je te donnerai, tu n’auras plus jamais soif, car mon eau deviendra en toi une source qui n’arrêtera jamais de jaillir. » Le récit de la Samaritaine, Jean, chapitre 4.
C’est pourquoi il n’est pas rare de lire dans les textes comme d’entendre dans le domaine spirituel et mystique l’expression désert. Devoir traverser ce qu’on appelle dans un processus d’épanouissement personnel un désert spirituel, c’est un moment difficile et de profonde noirceur pourtant nécessaire à notre évolution. L’expérience du désert est souvent représentée dans l’apprentissage mystique par le silence, la solitude, la contemplation, la méditation, le détachement, le recueillement, le dépouillement, la purification, la cure et le jeûne. Une expérience que plusieurs préféraient fuir, contourner et éviter. Mais pour aller à la rencontre de votre âme, cela se révèle être une nécessité. « Il est bon pour vous que je m’en aille » (Jn 15,7)
Le désert spirituel se fait sentir lorsque le progrès se fait lent. Par contre, il est quand même rassurant de savoir que l’apprenti-sage n’est pas toujours plaisant à faire. Ce qu’on y découvre avec son âme, c’est son lot de résistance, de peurs, la partie de soi qui est ombrageuse et parfois même ténébreuse. Lorsqu’on apprend à se connaître, on n’y découvre pas toujours ce qui est agréable de savoir sur soi. Alors, cela ralentit le rythme de croissance. Si nous pouvions nous aventurer à plein régime vers la lumière sans aucune difficulté, sans obstacle, nous n’évoluerions pas non plus. C’est ce qui explique pourquoi nos souffrances et déficiences sont nécessaires au progrès spirituel. Notre souffrance est un non amour qui contribue non seulement à nous faire évoluer, mais qui contribue aussi à nous permettre de mieux aimer. Cet amour, quand il est cultivé et respecté, pousse à vous épanouir davantage. Ainsi prendre le temps de découvrir sa part d’ombre, avant la lumière, est aussi profitable afin de pouvoir traverser son désert spirituel, se voir tel que l’on est, que l’on se voit soi-même détaché de ce qu’on prétend être. Ainsi, la nuit précédera au jour et le désert aux verdures à l’abord des forêts qui seront porteuses de fruits. On se doit tous d’accepter que Dieu ou la vie nous parle à travers les épreuves comme la maladie et ses limites et les efforts que nous devons déployer pour augmenter sa valeur, découvrir les capacités, les traits de caractère, les forces, les habiletés et les qualités qu’il nous faut acquérir.
Lorsque votre goût de donner vie est plus grand que celui de devoir en souffrir à la repousser, la force et le courage commencent à vous venir de la vie elle-même. La refuser, c’est se soumettre à la métaphore qui exprime à quoi peut ressembler la vie sans vie, la sécheresse, le désert spirituel. On ne prend conscience des choses que l’on a seulement lorsqu’on les a perdues et le désert y contribue assez efficacement je dois dire. Pendant l’accouchement de leur âme, tous vivront cette période de sécheresse, de désert spirituel.
Cependant, cette expérience nous amène immanquablement à explorer, à connaître une dimension de nous qu’on cherche habituellement à dissimuler, à cacher, une partie de nous qui se rebellerait davantage et se révélerait être la partie ombrageuse de notre personnalité. Par contre, avec cette tendance que l’on a de maintenir notre déplaisant en laisse, que ce soit en société ou dans le désert, il se révèle être une excellente occasion pour faire plus ample connaissance. Vous ne pouvez aller à l’âme sans être passé par un désert. Cette aventure intérieure peut se révéler très enrichissante, car votre rebelle déplaisant a caché dans ce désert un trésor. Dans ce trésor est dissimulé des mystères qui ont le potentiel de vous révéler les secrets de votre spontanéité, de votre créativité, de votre authenticité, de votre humilité et ce, sans crainte d’être rejeté, abandonné, trahi ou jugé. Cela vous permettra de faire la paix avec la partie de vous qui ne demande qu'à s’exprimer, de vous permettre par la même occasion de vous accepter tel que vous êtes et de l’assumer entièrement, sans avoir honte de qui vous êtes dans votre plus grande totalité, une plus grande harmonie intérieure. Cette liberté vous sera vivifiante.
Avant de renaître à une vie meilleure on se doit de mourir à celle-ci.
Inconnu
NOMADE DU DÉSERT
L’agression du désert spirituel
Me donne l’impression,
Me fait miroiter l’illusion
Que Dieu m’abandonne, me boycotte
Que tout contact est rompu
Jusqu’aux confins de l’infini.
Il me désarme, me ruine
De toute vigueur, de toute vanité.
Il me livre à la dissuasion
Sur un plateau au paysage
Écrasé par la chaleur
De sa solitude accablante.
Ne me laissant qu’une soif
Qui me tient en haleine
Tout au long du parcours
De son climat sec et aride.
Ses reliefs impraticables
Écorchés par la lourdeur
De mon silence,
Il me couvre de sa nudité.
Comme une éraflure à la surface
Du globe, stérile ou vierge.
Je me sentais tout comme
Dans le monde, bafoué par
Tant de peurs, tant de folies,
Tant de sottises et tant de crises.
Aussi grande fut ma critique,
Aussi grande fut ma désolation
De conscientiser, que seule ma marche
M’a conduit à ce désert.
Ce désert en lequel plus rien ne pousse
A tout de même fait germé en moi
Assez de détachement et d’humilité
Pour admettre qu’au fond,
Je ne suis qu’un grain de sable
Perdu dans ce désert
Ce désert que personne n’a
Encore jusqu’à présent habité
C’est plutôt lui qui m’habite
Pour ensuite m’abandonner à moi-même
Que dans les havres de ma folie,
Il m’a séduit en ces plus beaux lieux
Qui étaient les plus dangereux.
Je me perds, exilé, comme une proie
En cet espace où seul règne le soleil.
Je pourrais toujours
Me sortir de ce désert,
Mais pourrais-je un jour
Sortir ce désert de moi ?
Je suis parvenu à rétablir
Enfin le contact avec Dieu,
Après la traversée de ce désert
Il a laissé son empreinte en moi.
À travers les gens autour de moi,
Je n’ai eu qu’à réapprendre
À faire ce que je faisais.
Mais cette fois-ci, par amour.
Simplement prendre le temps
De me demander si ce que
J’allais faire, j’allais le faire
Par amour, simplement par amour.
Ne pas l’avoir fait, j’aurai séché.
C’est ainsi que je m’en suis sorti
Simplement ç’a a fait toute la différence.
Rétablir le contact
Ne m’a demandé que d’entretenir
Des liens universels
Avec les autres, mais cette fois-ci,
Par amour et le tour était joué.
Tout rentrait dans l’ordre.
Je reprenais graduellement
Contact avec Lui.
Les autres étaient devenus
Un canal conducteur
De façon bien différente.
Je suis passé de l’itinérance spirituelle,
À chercher la fusion mystique,
J’ai cru, au départ, à Dieu
Pour sauver ma peau,
Puis pour avoir la paix.
Au moment où je l’ai eu
Il était devenu ma raison
D’être et de vivre
Sans lui, je n’étais plus rien
Lui qui était tout pour moi.
Je l’ai perdu dans les dunes
De sable blond du désert
Pour y découvrir que sans les autres
Et sans amour, cette paix était vaine.
Cette transition, ce désert
M’a ouvert les yeux
Jusqu’à la découverte
De sa raison d’être :
Le désert a fait de moi
Un nomade des vertus spirituelles
De la spiritualité
Qui est passé d’une relation
Individualiste avec Dieu
À une relation universelle.