LE « NON-NÉ »

Reste à savoir si une âme inquiète ne vaut pas mieux qu’une âme endormie.

M. Yourcenar

Au même titre qu’un défaut est l’absence d’une qualité, que la noirceur est l’absence de lumière, l’ego est l’insuffisance de la présence d’âme « non-née ». On évoque souvent l’illusion de l’ego comme unique responsable des problèmes que nous avons et des ravages qu’il occasionne. Mais pourquoi alors esquivons- nous si aisément la solution et pourquoi oublions-nous notre nature véritable si facilement ? Pourquoi notre blessure attire-t-elle autant d’attention ? Pourquoi est-elle si visible ? Pourquoi occasionne-t-elle autant de vague à l’âme ? Ces tsunamis d’émotions qui déferlent sont si puissants qu’on arrive à peine à tenir notre respiration pour éviter notre blessure. Pourtant, cette blessure est la preuve que vous êtes unique au monde, c’est votre véritable nature. C’est dans le silence de votre intimité que vous arriverez à prendre « co-naissance » de cette autre dimension de votre être. On peut vivre simplement et uniquement pour soi, se prélasser au soleil pendant que d’autres souffrent de froid sauf que le sentiment d’inutilité dépose un poids énorme sur la conscience de façon telle qu’elle nous empêche d’apprécier la vie pour ce qu’elle est vraiment.

L’énoncé « Non-né » fait référence à l’étape du cheminement d’épanouissement jusqu’à l’accouchement de son âme. Ce qui a fait toute la différence dans mon cheminement d’épanouissement « non-né », ce n’est pas mon intelligence, mais l’habileté consciente que j’ai développée et qui m’a amené à dépasser mon incapacité à me voir moi-même. Elle a été plutôt ponctuée d’expériences conscientes que de théories spéculatives.

Ce qui ne m’a pas empêché, pour les besoins de la cause, de reprendre ou de vulgariser l’expression « non-né » ou « non réalisé » par les bouddhistes et/ou d’autres auteurs tel que Ken Wilber que j’ai beaucoup apprécié notamment. J’interprète toutefois différemment l’expression tout en lui rendant quand même justice puisqu’elle est remplie de sens. Pour ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, je fais plutôt allusion à l’âme après son incarnation. Pour moi, l’expression « Je suis moi » fait référence à l’être tout entier, dans sa totalité (âme, corps-ego, esprit), unifié, harmonisé. Voilà où je veux en venir lorsque je cite l’expression « n’être ». On est tous appelés à être qui on est vraiment en venant au monde.

Donc, lorsque j’interprète l’être global séparément, je le diminue, je l’affaiblis. Le corps-ego, comme une partie de soi qui est séparée, n’a pas encore pris connaissance de son âme et il se retrouve par le fait même incomplet. Par définition non-né. Si vous me suivez bien jusqu’ici, la naissance de l’âme m’amène à réaliser que « je suis moi ». Autrement, l’âme s’éloigne de sa vérité. L’âme accouche du « non-né ».

Le centre de votre vie est la conscience d’âme, l’essence première de ce que vous êtes, le non réalisé, la partie sacrée et divine de votre être. Cette absence, cette incomplétude, cette inharmonie, tout manque de plénitude et d’unité et cela indique que l’âme n’a pas encore pris naissance. Le travail spirituel est un présent qui vous est offert pour être mis au monde au service de l’humanité.

Le vrai devoir de l’homme n’est pas d’étendre son pouvoir ou de multiplier ses richesses au-delà de ses besoins, mais d’enrichir et de profiter du plus impressionnable de tous les biens; son âme.   

Gilbert Highet


Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn